Affiche du film Mort d'un pourri

Paris, au petit jour.
Xav reçoit la visite de Philippe, son meilleur ami et associé. Celui-ci lui avoue qu’il vient de tuer un homme qui le faisait chanter et menaçait sa carrière politique.
Xav accepte de lui fournir un alibi sans savoir que Philippe a aussi volé un dossier très compromettant pour nombre de personnalités.
La chasse à l’homme, et aux feuillets dérobés, est ouverte…

Avec Mort d’un pourri, Georges Lautner abandonne le registre de la comédie qui a fait son succès pour celui du polar politique. Dans un style sobre et efficace, le réalisateur des Tontons flingueurs mise judicieusement sur le réalisme des situations. Ici, la psychologie prime sur l’action et la violence n’a rien de spectaculaire. Brève et sèche, elle inquiète plus qu’elle ne divertit.
Surprenant à plus d’un titre, le film dresse le sidérant portrait d’une élite à la botte d’une mondialisation économique galopante (« En attendant qu’ils installent l’internationale du prolo, on a mis en place l’internationale du pognon. C’est un peu plus sérieux, croyez-moi » dit un mystérieux homme d’affaire à Xav) et décrit un monde politique dirigée par des voyous en col blanc où la compromission et les intérêts personnels passent avant le bien commun.
Prémonitoire, Mort d’un pourri annonce ce qu’est devenue aujourd’hui la politique avec ses castes, ses systèmes de cooptation et ses trafics d’influence :
« Les combinards d’aujourd’hui occupent le temple, dirigent les journaux, subventionnent les campagnes électorales. Ils font élire ceux qui ensuite leur distribueront les marchés, leur accordant tous les passes droits. Ils forment une nouvelle élite. Leurs descendants constitueront l’aristocratie de demain. Nous allons vers l’époque du voyou de droit divin. ».
Tout aussi efficace que dans la comédie, Michel Audiard cisèle de brillants dialogues et des répliques qui tuent, en parfaite adéquation avec un univers où les mots sont aussi assassins que les armes à feu.
« – Il a trempé dans quoi ton Philippe ?
– Oh tu sais, avec sa position, il rendait des services et puis on lui en rendait aussi. Alors… Bah voilà !
– Bah oui, en somme il est mort de gentillesse. ».
Des mots et des situations mis en valeur par une troupe d’excellents comédiens, de Jean Bouise à Michel Aumont en passant par Maurice Ronet, Daniel Ceccaldi ou l’inquiétant Klaus Kinski. Dommage qu’Alain Delon déçoive par son jeu mécanique et ses postures macho qui relèguent ses partenaires féminines aux rôles de faire-valoir. Ornella Muti se contente d’être jolie tandis que Mireille Darc, réduite au rang de potiche, passe son temps à lui baiser l’épaule.
Seule Stéphane Audran parvient à lui tenir tête, et à tirer son épingle du jeu, dans le rôle d’une mondaine alcoolique et vénale aux tirades pas piquées des vers.
Porté par la musique de Philippe Sarde et le saxophone de Stan Getz, ce polar noir et désabusé tourné en grande partie dans le quartier d’affaire de La Défense doit être redécouvert (les spectateurs, tous comme les électeurs, ont parfois la mémoire courte) ne serait-ce que pour redonner aux cinéastes français le goût du divertissement intelligent et à nombre de politiciens en disgrâce (ou en passe de l’être) un peu d’espoir : « Certains élus du peuple vont connaître une petite traversée du désert. Au pas de course, rassure-toi. Quand ils reviendront, ils se seront fait le masque républicain, comme les vieilles putes se font retendre les fesses. »
Suivez mon regard…