Rien ne les destinait à se rencontrer et encore moins à se côtoyer.
Et pourtant, quand Philippe, riche mélomane tétraplégique, embauche comme aide à domicile Driss, un jeune de banlieue adepte de la vanne et vivant des Assédic, leur vie va sortir des sentiers battus et leur rencontre faire des étincelles !
Sur le thème du tandem mal assorti, Eric Toledano et Olivier Nakache nous offrent une comédie chaleureuse dotée d’une belle liberté de ton. S’amusant des clichés associés aux handicapés et aux jeunes des cités, les deux cinéastes jouent habilement la carte du politiquement incorrect pour mieux les dénoncer. Cette histoire de tolérance et d’apprentissage des différences, autant physiques que culturelles, passe donc par l’art de la vanne que Philippe et Driss maîtrisent à merveille. Un humour libérateur qui ne se moque pas des hommes mais de leurs préjugés et des conventions qu’ils imposent. De la peinture à la musique en passant par la drogue et la sexualité des handicapés, tout est passé à la moulinette de leur humour provocateur et communicatif.
D’ailleurs, si ils s’empressent de rire de tout c’est certainement, comme le disait Beaumarchais, de peur d’être obligés d’en pleurer. Entre deux gags, les réalisateurs n’oublient pas d’illustrer cet adage en faisant naitre l’émotion par petites touches sensibles, souvent sous forme de confidences nocturnes, comme dans cette jolie scène au café « Les deux magots » où Philippe parle à Driss de son accident.
La nuit justement… Celle qui renvoie chacun à sa solitude et à ses zones d’ombre. Le moment où les douleurs fantômes de Philippe se réveillent et où Driss se retrouve à la rue, petit point perdu au milieu des immenses barres d’immeubles de sa cité. Un mal être qui semble avoir pour seul échappatoire l’amitié et quelques instants volés à la grisaille ambiante comme cette belle séquence de parapente au son de la magnifique chanson de Nina Simone : Feeling good.
Loin d’être démagogique, la rencontre entre ces deux hommes se montre surtout formatrice et pleine d’optimisme. Chacun apprenant de l’autre et de ses différences : la soirée d’anniversaire où musique classique et Earth Wind & Fire s’affrontent dans la bonne humeur finira bien par porter ses fruits.
Il faut saluer, pour finir, les magnifiques performances de François Cluzet et Omar Sy.
Leur duo parfait, entre humour pince sans rire et rires tonitruants, prend un réel plaisir à jouer la partition écrite par les deux cinéastes qui se sont inspirés d’une histoire vraie. Les seconds rôles, de Anne Le Ny à Audrey Fleurot, et les belles compositions pour piano de Ludovico Einaudi ne sont pas en reste.
Tous contribuent à la fraîcheur et au charme de ce film, à mi-chemin entre ceux de Gérard Oury et de Francis Veber.
Avec Tous les soleils de Philippe Claudel, Intouchables est certainement une des meilleures comédies française de l’année 2011.
Cliquez ici pour voir la bande annonce.
Nina Simone : Feeling Good
Oui, tu as raison c’est une comédie intelligente et ça fait plaisir que ce soit un film comme ça qui ait autant de succès. Les vannes en rafale de Driss m’ont pourtant un poil gêné. J’ai pas totalement compris pourquoi les gens était à ce point morts de rire.
C’est un véritable concert de louanges, qui s’abat sur ce film !
Et c’est ennuyeux, pour moi, qui m’exprime plus volontiers dans la contestation…
Parce que je suis absolument séduit aussi, par Intouchables.
Alors, je ne reviendrai pas sur tout ce qui se dit de bon, à juste titre, par les foules qui s’agglutinent à l’entrée des cinés pour avoir leur part et recevoir la bonne nouvelle. J’en étais hier soir ! Et heureux d’en être même s’il a fallu compter une heure entre l’entrée dans le ciné et les premières images (pourtant, le ciné avait supprimé les publicités et bandes annonces ! (C’était le premier bon point !).
Qu’est-ce qui n’a pas été dit ? En vrac, pour ne pas vous en faire vingt pages :
– Omar Sy n’est pas qu’un mariole : certaines scènes nous laissent entrevoir sa capacité à assurer dans un registre complet, et le dramatique ne semble ne pas l’intimider. Les gros plans sont particulièrement intéressants ;
– Le décor du film : cet hôtel particulier parisien est fabuleux et nous remercions les réalisateurs de nous en avoir ouvert les portes sous un regard quotidien qui nous change des Racines et des Ailes où il aurait sa place ;
– Le sujet de la relation au handicapés m’a rappelé : Le huitième jour. Un film qui avait marqué les gens aussi et levé l’enthousiasme comme il avait cassé la glace entre deux communautés qui se tournent ordinairement le dos ;
– J’ai rendez-vous dans une heure pour m’acheter une jolie petite Maseratti, Quelle idée m’a pris, soudain ?
– C’est quoi, le dentifrice d’Omar Sy ? Trop blanches, les dents ! J’en veux des pareil aussi !
– Ce film est bourré de perles, de scénettes ciselées sur des sujets de société, que les auteurs ne voulaient pas manquer d’ajouter dans ce film qui a décidément plus d’ambition que d’être uniquement une grosse rigolade !
– J’ai adoré le coup de la vente de la toile de Driss !
– Un peu exagéré le cou du vol privé pour deux … on a beau avoir les moyens, c’est pas comme ça qu’on reste riche….
– J’ai adoré aussi, le recadrage de la fille de Philippe, et de son p’tit copain de plumeau…
– Les allusions sans pudeur à la vie des handicapés sont bienfaitrices ;
– Pas une scène de sexe ! Ca devient rare, et on s’attendait à voir succomber la jolie rousse sous le charme de Driss …
– Les entretiens d’embauche ! Trop fort, vraiment !
– La caméra à l’épaule a ses limites : quand l’image bouge un peu sur l’écran immense de mon ciné, moi, ça me fout de vertige !
Les thèmes abordés dans ce film sont si nombreux qu’il serait intéressant de confier l’établissement de la liste à un courageux étudiant en cinéma… En tous cas, c’est une performance qui n’alourdit pas le film, et cela mérite aussi hommage.
Je voulais aussi revenir sur le sujet de la musique, qui est sérieusement abordé dans le film sous l’angle de l’opposition entre musique classique et contemporaine.
La dénonciation du cliché est une constante du film, c’est évident, et donc la mise en scène de la caricature aussi.
Donc, on évoque la musique classique, l’opéra, la musique de chambre ou symphonique… Bref, on met les pieds dans le plat.
Les deux héros nous donnent une occasion rêvée d’illustrer ce dialogue de sourds entre les deux cultures qui s’opposent plus souvent qu’elles ne cherchent à s’intéresser à l’autre.
La première illustration est donnée par l’entrée dans l’hôtel particulier ou retentit la belle musique dans les espaces luxueux, alors que notre Driss aux allures de rappeur croise les membres du personnel qui sont tous équipés de casques anti bruit. On découvre enfin le responsable de ce vacarme : Philippe, qui reste le patron mais impose à tout le monde ses choix musicaux…
On retrouve le thème lorsque Driss accompagne Philippe à l’Opéra, et ne peut se retenir de pouffer de rire en découvrant un arbre humain qui chante, et en allemand, s’il vous plait … et pour quatre heures ! Le procès est entendu : l’opéra, c’est insupportable et réservé à des gens guindés pleins aux as qui se la jouent ! Et Philippe sourit aux remarques de Driss, comme s’il les acceptait mais devait respecter un code social…
A ce niveau, j’avais peur que le film prenne un parti pris qui n’est pas le mien.
Heureusement, les deux compères poursuivent leur dialogue et chacun écoute l’autre et accepte de prendre en considération les mérites partagés de chaque style.
La musique contemporaine étant omniprésente, espérons que Intouchable permettra au maximum de personnes de s’éveiller à l’autre « Grande » musique, et que les salles de concert classique ne seront bientôt plus clairsemées de têtes grisonnantes mais saturées de tout le monde.
Nous avons été touchés par ce film riche, qui ne force pourtant pas le trait, ne joue pas sur la sensibilité, mais reste honnête et franc. Un ton qui nous va très bien !
C’est inspiré d’une histoire vraie ? Ca laisse penser qu’il se passe de belles choses dans la vrai vie ! Et bien, tant mieux, et merci de nous faire partager ça au cinéma !
Je partage l’enthousiasme de Marcozeblog (et de Marcorèle !) pour ce film, mais pas forcément sa réserve sur l’ampleur des rires.
Nous avons tous ri de bon cœur, hier soir, en famille : femme, homme fille et fils. Pourquoi ? Parce que c’était assurément drôle !
Pourquoi autant, demande Marcozeblog ? C’est une vraie question !
Sans doute, au début, et pour certains seulement, parce qu’ils sont sensibles à l’humour du service après vente des émissions, et qu’ils s’apprêtent à rire dès qu’ils voient le visage de Omar Sy…
Mais pas que, comme on dit à c’t’heure ! On rit beaucoup dans la salle, parce qu’à l’écran, on nous y a invité largement, de manière complètement décomplexée. Les deux acteurs principaux sont des humoristes hors paire et leur duo fonctionne parfaitement. Deux styles opposés qui ouvrent un vaste espace de rigolade. L’auto-dérision est reine chez Philippe, qui manie le sarcasme et l’ironie comme pas un, sans en faire des tonnes gestuelles, évidemment ; et Driss le bipolaire de service, qui oscille entre jouissance de la vie dans la bonne humeur et le don aux autres, et tristesse intérieure et responsabilité.
Nous ne voyons pas à l’écran deux clowns comiques mais deux hommes qui essayent d’oublier leurs chaines dans des excès libérateurs.
Marcorèle le dit parfaitement en citant Beaumarchais. Une citation particulièrement troublante pour moi : Nous avons renoncé hier soir à aller assister à la Trilogie de Beaumarchais, adaptée par Sophie Lecarpentier ; pour aller voir Intouchables, comme prévu depuis une semaine. Merci, Marcorèle de me déculpabiliser de ce choix entre Théâtre et Cinéma, en rapprochant les deux.
La fréquentation très disparate de la salle de cinéma est aussi un ravissement : C’est agréable, une fois par an, de retrouver tout le monde dans la même salle pour aller voir le même film. Tous différents, ça saute aux yeux dès la file d’attente, et dans les manières, et dans les paroles, et dans les rires… Mais tous heureux d’avoir vu ce film rassembleur sans être démago !